A Albertville, quand on fiche, on fiche - La police municipale listait les homosexuels et les Maghrébinsjeudi 4 juillet 2002
Imprimer Olivier Bertrand - Libération Le fichier porte le doux nom de « troubadour ». Il révèle pourtant des méthodes crapoteuses. Pendant plusieurs mois, la police municipale d’Albertville (Savoie) a fiché des individus qui lui semblaient « suspects ». D’autres parce qu’ils étaient « Maghrébins ». Et d’autres enfin parce que « homos ». Des listings ont été dressés, comportant l’immatriculation des voitures et les identités. Ces listes, que Libération a pu consulter, vont être transmises d’ici la fin de la semaine au parquet d’Albertville : la CFDT demande au procureur l’ouverture d’une information judiciaire. Le fichage aurait commencé au printemps 2001, avec l’arrivée d’un nouvel adjoint à la police municipale, racontent plusieurs agents. L’homme, un ancien boucher reconverti policier, a pris en charge la gestion du personnel (13 agents au total). « Notre hiérarchie nous a alors demandé de relever les immatriculations des véhicules suspects », raconte un policier. Dans un premier temps, il fallait espionner les lieux abritant des trafics de drogue. Puis les missions se sont élargies. Les policiers ont relevé des véhicules suspects un peu partout. Près d’un château d’eau, dans un rassemblement de tuning. « En une soirée, on pouvait ramener une quinzaine de numéros », raconte un policier. Origines. Les numéros étaient notés sur des « rapports de patrouille », puis repris sur un fichier informatique avec les identités des propriétaires (ce qui suppose que la police municipale a recours aux fichiers nationaux). Ces listings précisaient rarement l’infraction suspectée, et en général bénigne (« absence de contrôle technique »). Ils mentionnaient en revanche régulièrement les origines. Le 29 juillet 2001 par exemple, à 17 h 06, dans une « BMW anthracite », les agents repèrent : « Quai des Allobroges (2 Maghrébins) ». Le même jour, à 10 h 10 : « Espace administratif et social (1 Maghrébin) ». Deux exemples parmi d’autres. A partir de mai 2001, un deuxième fichier apparaît. Cette fois, les noms des propriétaires des voitures sont suivis de la mention « homo ». Un agent raconte : « Notre hiérarchie planquait autour des lieux de rendez-vous comme l’ancienne piscine ou les WC publics ». Un autre se souvient : « Ils faisaient la chasse aux gays, ils nous demandaient de les chasser des toilettes publiques ». Sur les listings, le nom du propriétaire d’une Peugeot 106 est suivi de cette phrase curieuse : « Vu en train de sodomiser un mineur en vélo ». Albert Gibello, maire RPR d’Albertville, affirme que, dès qu’il a « eu connaissance de ce fichier », il a « immédiatement donné l’ordre qu’il soit arrêté et annulé ». Prudent, l’élu a préféré hier lire un communiqué par téléphone, plutôt que répondre aux questions. Disque dur. Fin août 2001, un commandant de la police nationale aurait alerté la mairie. Il venait, semble-t-il, d’apprendre l’existence du fichier. Le chef de cabinet du maire se serait alors rendu, en compagnie d’un responsable informatique, dans les bureaux de la police municipale. Ils auraient fait sortir la secrétaire, expédié en patrouille les deux agents qui se trouvaient là, puis le disque dur de l’ordinateur aurait été détruit. Le maire n’a pas jugé bon d’alerter le parquet. Pour lui, la dénonciation de ces faits « ne peut être dissociée d’ambitions contrariées dans l’évolution du service. » En réalité, les agents s’étaient plaints assez tôt des méthodes de leur hiérarchie. « Nous avions la pression, des menaces de sanctions administratives », raconte l’un d’entre eux. Le 28 novembre 2001, un préavis de grève a cependant été déposé, et plusieurs policiers ont raconté au chef de cabinet, au directeur du personnel et à un adjoint chargé de la police municipale, les irrégularités commises dans leur service. Sans réponse, ils ont fini par alerter l’union départementale de la CFDT. « C’était un vrai cri d’alarme, raconte son secrétaire, Benoît Voiriot. Même Vitrolles n’aurait pas osé se comporter comme ça. » Plusieurs agents municipaux affirment que les listings étaient remis au cabinet du maire. Ce qu’Albert Gibello conteste. « Si le fichier Troubadour restait à la police municipale, s’interroge Thierry Billet, avocat de la CFDT, à quoi pouvait-il bien servir ? » Il a soumis cette question au parquet d’Albertville. |
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